28 Mars 2024

Aissata TourĂ©, 16 ans, vient d’avoir son premier enfant. Cette jeune mĂšre espĂ©rait accoucher prĂšs de chez elle, dans son village de Ngouma (Mali), mais une agente de santĂ© locale lui a conseillĂ© de se rendre Ă  l’hĂŽpital Ă  cause de potentielles complications. Le trajet allait cependant s’avĂ©rer difficile et coĂ»teux.

Sa famille a louĂ© une voiture et elle a fait la route, en plein travail, jusqu’à l’hĂŽpital SominĂ© Dolo situĂ© Ă  Sevare, Ă  170 km de chez elle. « Le trajet a Ă©tĂ© difficile et trĂšs inconfortable », raconte-t-elle. Son coĂ»t ? 120 000 francs CFA, soit prĂšs de 200 dollars USD, ce qui reprĂ©sente une somme astronomique au Mali.

La petite fille d’Aissata, qui vient de naütre.
Aissata a rĂ©ussi Ă  arriver jusqu’à l’hĂŽpital pour y accoucher.
Une moto-ambulance passe devant des arbres.

Le conflit en cours au Mali a mis Ă  mal les droits des femmes et des filles, et la crise contribue Ă  l’un des plus forts taux de mortalitĂ© maternelle du monde. La violence et le dĂ©placement des populations ont perturbĂ© l’accĂšs aux services essentiels comme les soins de santĂ© sexuelle et reproductive, mais ont aussi fait augmenter les risques de violence basĂ©e sur le genre et de pratiques nĂ©fastes. Les chocs climatiques, en particulier les sĂ©cheresses et les crues, ont exacerbĂ© les vulnĂ©rabilitĂ©s diverses.

Heureusement, Aissata a pu arriver Ă  l’hĂŽpital Ă  temps pour accoucher sous la supervision de personnel qualifiĂ©. Les femmes ont cependant besoin d’une aide supplĂ©mentaire afin d’avoir accĂšs Ă  des soins prĂ© et postnatals et de pouvoir accoucher en toute sĂ©curitĂ©. Nous vous prĂ©sentons ici quelques-unes des maniĂšres dont l’UNFPA leur apporte son soutien.

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L’hĂŽpital SominĂ© Dolo est un refuge sĂ»r pour celles qui parviennent Ă  s’y rendre.
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L’un des problĂšmes principaux est le dĂ©tournement frĂ©quent des ambulances par des groupes armĂ©s.

La longue route jusqu’à l’hîpital

Une organisation non gouvernementale du nom de HELP, partenaire de l’UNFPA, propose son aide aux femmes enceintes lorsque c’est possible, en organisant des transports privĂ©s depuis les zones rurales jusqu’à l’hĂŽpital SominĂ© Dolo pour les femmes prĂ©sentant des complications obstĂ©tricales. Toutefois, dans cet immense pays qui est l’un des plus vastes d’Afrique, il est impossible d’aller partout et d’atteindre tout le monde. Le village d’Aissata, trop isolĂ©, ne pouvait pas ĂȘtre desservi.

« Il n’y a pas de transport lĂ  oĂč vit ma niĂšce, aucune aide », raconte l’oncle d’Aissata, Abdoulaye Bocoum. Il ne le sait que trop bien : il travaille lui aussi pour HELP. « C’était terrifiant. Si la famille n’avait pas pu payer la location d’une voiture, elle n’aurait pas pu arriver jusqu’ici. »

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Des sages-femmes s’occupent d’un nouveau-nĂ©.
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Kadiatou KarembĂ© a rĂ©alisĂ© son rĂȘve de petite fille : devenir sage-femme.

Kadiatou KarembĂ©, qui travaille comme sage-femme Ă  l’hĂŽpital SominĂ© Dolo depuis sept ans, a Ă©tĂ© elle-mĂȘme tĂ©moin des consĂ©quences des complications lorsqu’une femme enceinte ne peut pas arriver Ă  temps Ă  l’hĂŽpital – malheureusement, il n’est pas rare que la patiente meure.

« Comme les femmes sont orientĂ©es ici depuis des communautĂ©s isolĂ©es, elles passent parfois la nuit sur les routes. Une fois, l’une de ces femmes est morte. Elle avait des convulsions liĂ©es Ă  une Ă©clampsie, mais a Ă©tĂ© retenue sur le trajet Ă  cause de l’insĂ©curitĂ©. Elle est morte. »

– Kadiatou KarembĂ©, sage-femme

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« Les gens ont beaucoup de mal Ă  accĂ©der Ă  l’hĂŽpital. Une famille avait prĂ©vu trois jours pour faire la route jusqu’ici, mais n’est jamais arrivĂ©e. Nous avons des ambulances pour transporter les personnes depuis zones isolĂ©es, mais dans les zones de crise, elles ont Ă©tĂ© volĂ©es. » – FĂ©lix Diarra, directeur de l’hĂŽpital SominĂ© Dolo.
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L’équipe de la maternitĂ© de SominĂ© Dolo aide Ă  mettre au monde prĂšs de 187 bĂ©bĂ©s chaque mois. L’UNFPA a aidĂ© Ă  Ă©quiper la salle d’opĂ©ration et lui a fourni du matĂ©riel, avec le soutien du Danemark.
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Des familles qui ont parcouru un long chemin avec leurs proches se sont installĂ©es dans la cour de l’hĂŽpital jusqu’à ce qu’il soit temps de rentrer chez elles.
AĂŻnĂ© TraorĂ©, 21 ans, avec sa fille et son nouveau-nĂ©, dont elle a accouchĂ© Ă  l’hĂŽpital SominĂ© Dolo.
Aissata Guindo, femme de ménage, vient travailler avec son enfant. Son mari est chauffeur.
Amsetou Minta, 31 ans, est venue Ă  Sevare pour ĂȘtre dĂ©jĂ  proche de l’hĂŽpital quand elle accouchera.

Aider les personnes déplacées

Tandis que l’équipe qui travaille Ă  l’hĂŽpital SominĂ© Dolo est occupĂ©e Ă  sauver la vie des personnes qui peuvent s’y rendre, des Ă©quipes de santĂ© mobiles soutenues par l’UNFPA se sont installĂ©es dans des camps pour personnes dĂ©placĂ©es, qui ne sont pas en mesure de faire le trajet jusqu’à un Ă©tablissement de santĂ©.

Des centaines de milliers de personnes ont Ă©tĂ© forcĂ©es Ă  abandonner leur domicile Ă  cause d’attaques armĂ©es contre la population civile, menĂ©es par des groupes terroristes dans le nord et le centre du Mali.

C’est le cas de Fatoumata Dienta, 25 ans. Elle Ă©tait enceinte de deux mois lorsqu’elle a fui sa maison de Dena, le long de la riviĂšre Bani. « Un soir, aprĂšs le repas, des terroristes ont fait irruption et nous ont ordonnĂ© de partir dĂšs le lendemain », raconte-t-elle. Avec sa famille, elle est partie pour le site de Barigondaga pour personnes dĂ©placĂ©es, dans la rĂ©gion de Mopti, Ă  180 km de chez elle.

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Fatoumata a accouché dans un centre de santé communautaire.
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« Mon bébé est une fille, elle a un mois et onze jours à présent », déclare Fatoumata.

« Certaines sont venues en rickshaw, d’autres en bateau », prĂ©cise Fatoumata. Au camp pour personnes dĂ©placĂ©es, elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’aide d’une Ă©quipe de santĂ© mobile, et a finalement pu accoucher dans un centre de santĂ© communautaire.

Une Ă©quipe de santĂ© mobile tient une session d’information au site de Barigondaga.
Aissata Baby, qui travaille pour l’UNFPA, sensibilise la population aux services de santĂ©.
Le site de Barigondaga est situé le long du fleuve Niger.

Le site pour personnes dĂ©placĂ©es de Barigondaga compte 149 foyers, dont 372 femmes. Toutes viennent des villages de pĂȘche de Dena et de Soye. 

Les Ă©quipes de santĂ© mobile de Barigondaga et des autres sites de dĂ©placement proposent des soins prĂ© et postnatals ainsi que du matĂ©riel pour rendre les accouchements sĂ»rs. En 2023, l’UNFPA a recrutĂ© et formĂ© 51 sages-femmes dans la rĂ©gion de Mopti, mais aussi rĂ©novĂ© et Ă©quipĂ© 12 maternitĂ©s rurales.

Une initiative prometteuse

ParallĂšlement, Ă  Tombouctou, Ă  prĂšs de 400 km au nord du site de dĂ©placement de la rĂ©gion de Mopti, un programme pour aider les jeunes Ă  apprendre Ă  conduire redonne un peu d’espoir en l’avenir.

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Depuis 2021, 500 jeunes femmes et hommes ont obtenu leur permis de conduire dans le cadre de cette initiative, qui est soutenue par l’UNFPA, avec l’aide financiùre du gouvernement danois. 

Le Mali possĂšde une population trĂšs jeune : plus de 65 % a en effet moins de 24 ans. Ayant grandi dans un pays en crise, les jeunes ont Ă©tĂ© en grande partie privé·e·s d’opportunitĂ©s, de libertĂ© et d’indĂ©pendance. Ce programme vise Ă  amĂ©liorer leurs perspectives d’emploi et Ă  rĂ©duire leur risque d’ĂȘtre recruté·e·s au sein de groupes armĂ©s non Ă©tatiques.
 

« Les groupes armés recrutent des jeunes sur tout le territoire, et beaucoup ont rejoint leurs rangs », explique Traore Safietou Abdou, 24 ans, qui a appris à conduire cette année.

« Les choses s’amĂ©liorent un peu, et nous commençons Ă  sentir un esprit de communautĂ© se reconstruire. Je prendrai n'importe quel emploi, mais ĂȘtre chauffeure, ce serait un bon dĂ©but. »

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Djiby Kongho, 29 ans, espĂšre que son permis de conduire nouvellement obtenu lui ouvrira des opportunitĂ©s d’emploi.

« J’ai rejoint ce programme car la vie est difficile ici, et que cela m’offrait une possibilitĂ© de m’échapper », prĂ©cise-t-elle. « Je veux trouver un travail pour aider ma famille. J’aimerais devenir chauffeure – les femmes conduisent tout aussi bien que les hommes. »
En plus d’instructions pour la conduite, les participant·e·s reçoivent des informations sur la violence basĂ©e sur le genre, la planification familiale, l’hygiĂšne menstruelle et la santĂ© maternelle, ainsi que sur les services disponibles.

 

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En plus d’instructions pour la conduite, les participant·e·s reçoivent des informations sur la violence basĂ©e sur le genre, la planification familiale, l’hygiĂšne menstruelle et la santĂ© maternelle, ainsi que sur les services disponibles.

Une crise des droits des femmes

Trente ans ont passĂ© depuis la ConfĂ©rence sur la population et le dĂ©veloppement (CIPD), Ă©vĂ©nement historique qui a vu les leaders du monde entier se mettre d’accord sur des actions concrĂštes visant Ă  placer les droits et la santĂ© sexuelle et reproductive au cƓur du dĂ©veloppement durable. Cependant, au Mali comme dans beaucoup d’autres contextes de crise humanitaire, les droits de femmes et des filles sont anĂ©antis, faisant stagner ou reculer les progrĂšs dans ce domaine.

Dans les situations de crise, en particulier lorsque les femmes et les filles sont contraintes de se dĂ©placer, on constate un accroissement de la violence basĂ©e sur le genre, des dĂ©cĂšs maternels Ă©vitables et des grossesses non dĂ©sirĂ©es. L’UNFPA et ses partenaires continueront Ă  garantir les droits des femmes, des filles et des jeunes.

« Alors mĂȘme que des missiles pleuvaient, que la terre tremblait et que des chocs climatiques continuaient Ă  se faire sentir, les femmes et les filles dans les situations d’urgence humanitaire ont continuĂ© Ă  accoucher, Ă  avoir besoin de services de santĂ© sexuelle et reproductive, et Ă  chercher Ă  se protĂ©ger contre la violence basĂ©e sur le genre, dans leur foyer comme au sein de leurs communautĂ©s », dĂ©clarait la directrice exĂ©cutive de l’UNFPA, la Dr Natalia Kanem, alors que l’annĂ©e 2023 s’achevait. « MalgrĂ© tout, l’UNFPA est restĂ©e Ă  leurs cĂŽtĂ©s pour leur proposer des services essentiels, protĂ©ger leur dignitĂ© et leurs droits, sauver des vies et leur redonner de l’espoir. »

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